Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Services d'Intérêt Economique Général, quelles opportunités pour les collectivités et acteurs de l'ESS ? - conférence en ligne mai 2022

jeu 19/05/2022 - 12:36

Une cinquantaine de participants ont suivi la conférence en ligne organisée le 12 mai 2022 par le RTES : Services d’intérêt économique général, quelles opportunités pour les collectivités et acteurs de l’ESS ?

Un Point de RepèrESS SIEG et collectivités a été réalisé en décembre 2022.

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  • Eléments de cadrage par Pierre-Vincent Guéret, directeur associé SPQR-conseil Lyon/Paris et ses collaborateurs Marie-Charlotte Simon et Cyril Malerba :

Le SIEG est un mode de gestion à part entière déjà expérimenté en France depuis 15 ans mais qui reste relativement peu connu. Il existe plusieurs exemples de SIEG dans des domaines d’intervention variés : exemples de SIEG sur la formation professionnelle, le traitement des déchets, le réemploi, la petite-enfance, la création/reprise d’entreprise, etc. Plusieurs collectivités ont trouvé une pertinence d’intervention via le SIEG.

C’est un mode de gestion souvent né de situations de blocage où il n’était satisfaisant pour la collectivité ni de passer par la subvention, ni par le marché public ou la concession. Historiquement, certaines subventions très descendantes ne correspondent pas à la définition légale de la subvention de la loi ESS de 2014 (dispositif ascendant pour une activité porteuse d'intérêt général que la collectivité soutient via subvention). Il y a donc eu des problématiques avec certaines subventions descendantes auxquelles le SIEG est venu apporter des réponses.

Le SIEG, un mode de gestion :

La personne publique détient une autorité qu’elle ne peut déléguer, celle d’être autorité organisatrice de la mise en œuvre d’une compétence qu’elle détient de manière décentralisée. L’autorité organisatrice définit si elle intervient ou non et comment, via quel mode de gestion : de façon directe, sous forme de régie simple ou personnalisée, via un marché public ou une concession, si elle utilise la subvention comme mode opératoire ou le SIEG. L’autorité organisatrice décide du déploiement de sa politique.

Comme dans tous les autres modes de gestion, la collectivité peut intervenir seule ou avec une autre collectivité. L’intervention à plusieurs collectivités suppose de définir la relation avec les autres collectivités : via prestation de service, mutualisation, groupement, structuration de SPL, établissement public… L’intervention à plusieurs collectivité peut se faire de manière ponctuelle ou structurée. Il est possible de monter un SIEG à plusieurs ou laisser une collectivité être cheffe de file et venir cofinancer.

Les spécificités du SIEG par rapport aux autres modes de gestion :

  • Externalisation, notamment des risques : le risque financier est porté par l’opérateur du SIEG ; il n’y a pas de risque pénal pour la collectivité.
  • Financièrement efficace : la compensation financière des opérateurs est faite à l’euro près (voir au centime près), sur la base d’une remontée des dépenses réelles.
  • La collectivité conserve la possibilité de piloter le service par la convention avec l’opérateur et les obligations de service public ; elle contrôle que les opérateurs assurent les obligations de service public dont ils ont la charge.
  • Mais ceci requiert un suivi et des contrôles financiers par la Collectivité (ou par des prestataires).

Les fonctionnements du SIEG sont définis par l’arrêt Altmark. Si les 4 conditions suivantes sont remplies, le SIEG sort du cadre des aides d’Etat :

  • définir des obligations de service public
  • expliquer au préalable comment est calculée la compensation
  • sélectionner par une procédure transparente l’opérateur retenu
  • vérifier régulièrement qu'il n'y a pas de surcompensation

Les obligations de services publics (acte fondateur pour la collectivité) : définition du mandat confié. Le SIEG offre la possibilité de co-construire la réponse. 

Droits spéciaux ou exclusifs : possibilité d'accorder un droit d’une manière spéciale : à plusieurs acteurs, ou un droit exclusif : ne retenir qu’une structure.

La juste compensation = dépenses - recettes dans le cadre du SIEG. Définir le terrain de jeu de l’analyse, avoir un suivi comptable rigoureux, avoir un dispositif de traçabilité. Permet d’introduire le coût unitaire qui permet d’avoir une juste compensation (juste ne signifie pas seulement juste financièrement). Une juste compensation peut donc être différente selon les opérateurs mais juste avec des acteurs qui n’ont pas la même convention collective, pas la même histoire, etc.

  • Témoignage de Lucien Da Ponte, chef de service Economie de proximité et Economie sociale et solidaire, Conseil Régional Bourgogne-Franche-Comté

Suite à la Loi NOTRe et au transfert de la compétence NACRE (Nouvel accompagnement pour la création ou reprise d’entreprises) aux régions, il a fallu trouver une solution pour financer les opérateurs de l’accompagnement des demandeurs d’emplois, des créateurs ou repreneurs d’entreprises. Auparavant l'État fonctionnait au travers du mode de la subvention. Or, cette activité étant dans un champ concurrentiel et s’agissant d’une commande de la Région, les services juridiques ont alerté sur le fait que la subvention ne convenait pas et qu’il fallait choisir la commande publique ou le SIEG.

La Région Bourgogne-Franche-Comté a alors choisi le SIEG, qui lui a permis de :  

  • Mettre en place un service public régional pour assumer une nouvelle compétence :  fixer un cahier des charges, définir les conditions de mise en œuvre de la politique : les obligations de service public (OSP).
  • Sécuriser juridiquement l’obligation de financer les opérateurs : la juste compensation permet de s'exonérer des régimes d’aide
  • Organiser un écosystème de la création/reprise d’entreprise par rapport aux attentes de la Région : volonté que tous les porteurs de projets aient le même type d’offres, qu’ils soient complémentaires et qu’ils travaillent ensemble. 

Pour le conseil régional, le SIEG présente plusieurs avantages :

  • une visibilité budgétaire : tant pour le conseil régional que pour les opérateurs : pluriannualité et connaissance des coûts réels. 
  • maîtrise et adaptation des conditions de mise en œuvre de sa compétence légale : fixation de l’intérêt général par la Région (OSP), amélioration de la politique (notamment si renouvellement), professionnalisation des opérateurs et des agents du service de la Région, adaptation aux aléas (ex. : conséquences de la crise COVID sur les opérateurs)
  • pour les opérateurs le SIEG permet un dialogue avec les financeurs et une co-construction des réponses apportées, il permet une montée en compétence grâce au dialogue collectif et la mise en place d’une comptabilité analytique qui bien que complexe au départ s’avère être un outil de pilotage intéressant. 

Bien que s’accompagnant de certaines lourdeurs administratives, le SIEG est un instrument très intéressant selon Lucien Da Ponte qui conseille cependant un accompagnement par un prestataire pour élaborer le SIEG et son mode d’évaluation et accompagner les opérateurs sur les attentes de la collectivité. Lucien Da ponte conseille également de faire un SIEG sur une compétence propre (plus compliqué si plusieurs financeurs).  

  • Témoignage d’Alban Derrien, chargé de Mission ESS - Innovation sociale, Métropole du Grand Lyon

Constat de départ: la Métropole accueille gratuitement des déchets dont elle n’a pas la responsabilité (déchets des bailleurs ne sont pas des déchets ménagers et assimilés) dans ses déchèteries ce qui a pour conséquence:  un engorgement de ses équipements, une distorsion de concurrence entre les entreprises, un coût de traitement supporté par la collectivité et in fine par les habitants et une absence de traçabilité et de valorisation (estimation 80% incinéré et 20% valorisé).

La Métropole n’est pas compétente sur le gisement considéré, elle n’a pas la possibilité de passer par un marché mais souhaite accompagner les collecteurs à détourner ce gisement des déchèteries publiques sur une logique de coûts évités. En s’appuyant sur sa compétence insertion, la Métropole décide d’imposer des contraintes d’exécution spécifiques pour que la mise en œuvre de ce projet réponde aux différents défis identifiés : sociaux, environnementaux, technico-économiques et territoriaux.

Un consortium réunissant 17 structures de la collecte et du traitement des déchets des encombrants sur le territoire lyonnais est créé, l’ensemble des structures de la filière s’organisent pour proposer une solution collective et vertueuse. Suite à deux études de faisabilité, une expérimentation est menée en 2019 : la Métropole attribue une subvention de fonctionnement de 450 000 € à ENVIE (en représentation du collectif, la SCIC ILOé n’est pas encore créée), pour l’exercice 2019-2020, pour mener à bien l’expérimentation dans le cadre d’un SIEG inférieur à 500 000 € sur une période de 3 exercices fiscaux (Règlement Almunia 25 avril 2012). Ce premier SIEG a permis de faire une preuve de concept. 

Suite à une phase d’expérimentation réussie, le collectif se transforme en SCIC (la SCIC ILOé) et la Métropole de Lyon entre au capital de la société à hauteur de 48% et fait porter un nouveau SIEG sur la structure. Pour compenser les surcoûts engendrés par les contraintes de service public, la Métropole s’engage à apporter une participation financière dite de "compensation d’obligations de service public" (COSP) au bénéfice d’ILOé. Les obligations de service public sont ambitieuses : inversion du traitement des encombrants (de 20% à 80% de valorisation) ; création d’emplois en insertion ; création d’une dynamique collective. La COSP est évolutive (dans le temps et adaptée à chaque situation de départ). Plus précisément, les modalités de calcul de cette COSP ont été arrêtées à partir de la méthode du coût net évité, consistant à calculer la différence entre le coût net pour une entreprise assurant l’obligation de service public et le coût net d’une entreprise exerçant dans les conditions habituelles du marché n’assurant pas d’obligations de service public. La collectivité prend en charge le service au coût réel tout en ayant un filet de sécurité (plafond annuel à 400 000€).

Les objectifs sont revus chaque année en termes de volume. Cette contractualisation “évolutive” tient compte des progressions des structures impliquées, cela permet d’accompagner les structures dans leur évolution (ici montée en charge progressive du coût de l’exutoire et bascule du traitement des encombrants vers la valorisation permet d’anticiper la hausse du coût de l’incinération enfouissement)

Cette expérience fonctionne, le SIEG a permis d’inventer une réponse opérationnelle concrète.

 

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