Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Liège
Publié le 27 février 2024 - mis à jour le 29 février 2024

Retour sur la Rencontre européenne L'économie sociale au coeur des transitions de Liège - 12 et 13 février 2024

La Rencontre européenne "L'économie sociale au coeur des transitions" s'est tenue à Liège dans le cadre de la présidence belge du Conseil de l'UE, les 12 et 13 février 2024. Retrouvez ci-dessous le retour de Christiane Bouchart, membre du conseil d'administration du RTES, et coprésidente de la Commission Europe du CSESS.

La conférence européenne de Liège fut de belle facture à plusieurs titres :

Une feuille de route adoptée par 21 Etats (dont 19 étaient présents), déclinée en 25 recommandations engageant l’Union européenne mais aussi les Etats membres. Celle-ci a été présentée par plusieurs ministres présents :

  • Pour Christie Morreale, vice-présidente du gouvernement wallon, il faut poursuivre la reconnaissance de l’ESS dans les droits nationaux et européens, renforcer les outils de financements, faire de l’ESS le moteur de l’Europe.
  • Amparo Mérino Ségovia, Secrétaire d’Etat espagnole, précise que l’Espagne a mobilisé 1 700 millions d'euros de subventions pour l’ESS témoignant d'une vraie vision stratégique. Pour la Secrétaire d'Etat espagnole, l’ESS permet une transition verte et juste dans un contexte de dérèglement climatique, elle est le meilleur chemin pour aller vers une transition numérique et c'est un modèle féministe qui promeut l’inclusion. Elle est en elle-même la preuve qu’il est possible de faire les choses différemment et mieux. Un des éléments clés de la feuille de route sont les outils financiers : il est indispensable de mettre des critères sociaux et durables dans les marchés publics européens. Pour Amparo Mérino Ségovia, nous avons une occasion historique pour unir nos forces et l'ESS est le pilier de la reconstruction européenne.
  • Pour Katarzyna Nowakowska, ministre de la famille et des politiques sociales en Pologne, l’ESS doit jouer un rôle dans le développement des questions environnementales. Elle répond aux défis politiques, économiques, écologiques. Elle insiste sur 2 points : encourager le développement des compétences sur l’ESS par la formation et la recherche, et favoriser l’entrepreneuriat des femmes et lutter contre les discriminations. Elément important : la Pologne revient dans le suivi de la convention de Luxembourg.
  • Ivanka Shalapatova, ministre du travail et des politiques sociales en Bulgarie, exprime le souhait de laisser quelque chose de bien derrière nous et demande plus d’investissement, plus d’engagement de la part de la Commission Européenne. Elle insiste sur le fait de renforcer l’accès au marché et s’appuyer sur l’innovation sociale pour répondre aux problèmes que nous rencontrons, poursuivre la mise en place du plan d’actions, en proposant un calendrier.
  • La France était représentée par Maxime Baduel, délégué ministériel à l'ESS, insiste sur le fait de faire de la recommandation du Conseil une impulsion pour que chaque Etat favorise la reconnaissance mutuelle des structures de l’ESS entre pays, mais également sur l'importance de renforcer les liens entre politiques économiques et ESS, d'examiner la question des aides d’état et d'adapter le règlement général d’exemption par catégories pour lever les freins, avec notamment la perspective d'un livre blanc sur les SSIG, agir pour développer une économie de l’innovation sociale par et pour les citoyens, et développer une économie de la coopération territoriale. Maxime Baduel précise qu'à travers cette feuille de route, les Etats se fixent une triple stratégie :
    • Favoriser le développement d’activités résilientes et d’emplois durables, au cœur de nos territoires avec les collectivités,
    • Favoriser l’accès de l’ESS au financement et jouer dans la cour des grands avec l’accès à tous les dispositifs de l’économie classique tout en ayant des dispositifs innovants,
    • Développer et promouvoir ce mode d’entreprendre de la propriété collective, du partage de la valeur, de la réciprocité. L’ESS est politique, c’est la démocratie en actes. Face à la montée du terrorisme nous avons besoin de mettre en commun nos libertés

Toutes ces interventions, par des ministres jeunes et engagés, démontrent la volonté des Etats de faire avancer l’ESS à l’échelle européenne. Ils ont redit l’importance d’avoir un Commissaire qui porte le plan d’actions européen pour l'économie sociale dans la prochaine mandature, et l'adoption par 21 Etats membres de la feuille de route pour l'ESS de Liège invite à l'optimisme en la matière, et se sont réjouis du retour de la Pologne, et de l’entrée de l’Allemagne dans le suivi de la déclaration de Luxembourg.

La force de l’ESS, la transversalité nécessaire et le lien avec les transitions et la prise en compte de tous les citoyens y compris les plus fragiles

Pour Nadine Richez-Battesti, chercheuse à l’université d’Aix en Provence, la transition inclusive est un nouveau récit et devrait être la norme de l’économie de demain. Pour offrir une planète viable à nos enfants, nous devons engager des transformations radicales et notamment dans le mode de fonctionnement des entreprises. Nous devons porter une vision systémique et holistique, en finir avec un fonctionnement en silos, et prendre en compte les interactions entre les hommes et leur environnement. L’ESS contribue à plus de justice sociale, intègre une dimension démocratique dans le faire ensemble, est un processus de production de biens mais aussi de liens. Il est nécessaire de renforcer la connaissance de l’ESS au titre de sa participation à la richesse, les comptes satellites sont importants à ce titre. Nadine Richez-Battesti identifie 3 leviers :

  • Contribution à l’économie : mettre l’ESS à l’agenda des politiques publiques, souvent peu engagées car dans l’habitude de l’économie classique, de la mise en concurrence.
  • Prise de conscience de la modernité de l’ESS et de son côté pionnier : l’ESS inspire l’économie classique qui récupère ce qu’elle a inventé. La RSE a été portée par l’ESS avant d’être généralisée.
  • Levier politique : faire mouvement, faire alliance avec les territoires, l'ESS porte un nouveau récit fédérateur.

Pour Christian Arnsperger, professeur d’anthropologie durable à l’université de Lausanne, les collectivités territoriales doivent changer de posture par rapport à l’ESS et nouer des alliances privilégiées avec l’ESS plutôt que d’être sur un triptyque public, privé, ESS.

Pour Bastien Sibille, de la SCIC Mobicoop, la transition exige la sobriété et la sobriété interroge la croissance. Il faut faire « force politique » pour refondre les conditions d’accès au financement.

L'enjeu de l'accès aux marchés publics et aux financements européens

A plusieurs reprises ont été évoquées les questions d’investissement à long terme et d’accès aux financements européens pour les structures de l'ESS.

  • Oliver Röpke, président du CESE, est convaincu du rôle important joué par l’ESS et de son apport dans les transitions. Pour cela, besoin d’un écosystème financier qui aide les entreprises. Une réforme du pacte de stabilité et de croissance est nécessaire. L’ESS doit être reliée à la transformation de l’économie, en tant qu’alliée stratégique. Les obstacles pour la réponse de l’ESS aux marchés publics doivent être levés
  • Anna Athanasopoulou, directrice générale de la DG GROW, l’ambition de la transition verte va de pair avec la question sociale, elle doit être inclusive. 30% du budget 21/27 de l’UE est fléché sur la transition et peut concerner l‘ESS. Il faut changer de paradigme et d’état d’esprit. Dans le cadre de la stratégie industrielle, un des 14 écosystèmes est fléché vers l’ESS qui doit être pionnière pour des services et marchés verts. Nous avons besoin des modèles de l’ESS pour y arriver et mettre en œuvre de la co-création.
  • Claude Gruffat, député européen, rappelle l’importance de la démocratie et de la stabilité. L’ESS met en place à la fois de la stabilité, et de l’interdépendance avec le territoire, c’est une économie intégratrice. Il est important d’apporter des financements sur du long terme en s’appuyant sur la fiscalité. Il faut revoir la fiscalité des transferts de sociétés, développer les investissements sur le long terme, développer une comptabilité universelle, différente, une réglementation de gestion durable de la planète, prenant en compte l’ensemble des richesses et des externalités positives.