Quelle possibilité de garantie d'emprunt par une collectivité territoriale ?

Cet article est réalisé par le RTES à partir du retour d'expériences de ses collectivités territoriales membres. Il vise à fournir des éclaircissements de nature technique, notamment sur la base de résumés concis et parfois simplifiés de la législation et de la jurisprudence en matière d'intervention des collectivités auprès de l'économie sociale et solidaire. Le présent article n'engage pas le RTES en tant qu'institution.
La question s’est posée pour différentes collectivités territoriales membres du RTES, de pouvoir aider financièrement une structure d’ESS en lui garantissant un emprunt.
L’intérêt pour la structure d’ESS : La garantie de la collectivité peut être une condition d’accès à l’emprunt.
L’intérêt pour la collectivité territoriale : appuyer le développement d’un acteur local de l’ESS en complétant son « tour de table financier ». A moins d’une défaillance de l’emprunteur d’ESS (et bien sûr là est le sujet), la garantie ne coûte rien à la collectivité. Le risque peut d’autant mieux être maîtrisé dans le cas par exemple où la garantie de la collectivité permet de financer un investissement dont le fonctionnement est par ailleurs assuré par la collectivité elle-même (en subvention ou marché public). La collectivité peut également limiter son risque en s’appuyant sur l’analyse financière de partenaires du tour de table, telle l’association territoriale du réseau France Active par exemple.
Vis-à-vis de la réglementation européenne des aides d'Etat, le montant retenu dans le calcul des aides d'Etat n'est pas le montant de garantie mais seulement le montant de la « prime exemptée », c’est-à-dire l’ « équivalent-subvention brut » (ESB) que représente l’absence ou la moindre prime de garantie demandée par la collectivité publique en comparaison de la prime qu’aurait exigée un investisseur avisé du marché financier privé. L'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires met à disposition un outil en ligne de calcul de l’ESB pour une garantie d’emprunt public[1].
Que dit la loi ?
On doit d’abord noter que l’activité de la structure doit être liée à l'une des compétences de la CT.
La CT peut dans ce cas accorder à une personne de droit privé une garantie d'emprunt ou son cautionnement, selon les articles L2252-1 à 2252-5 du CGCT pour les communes et EPCI, L3231-4 à 3231-5 pour les départements et L4253-1 à 4253-2 pour les Régions, dans les limites suivantes selon les articles D1511-32, D1511-33 et D1511-35 du CGCT :
- Une collectivité ou établissement ne peut garantir plus de 50% du montant total de ses recettes réelles de fonctionnement
- la proportion maximale des annuités garanties ou cautionnées au profit d'un même débiteur (par exemple la structure ESS), exigibles au titre d'un exercice est plafonnée à 5% des recettes réelles de la section de fonctionnement du budget de la collectivité.
- Une ou plusieurs collectivités territoriales ne peuvent garantir ensemble que 50% d'un même emprunt. Ce taux maximum s’élève à 80% pour les opérations d'aménagement[2] menées en application des articles L. 300-1 à L. 300-4 du code de l'urbanisme qui peuvent recouper divers projets d’ESS (tiers-lieux notamment). La garantie peut couvrir jusqu’à 100% de l’emprunt, lorsqu'il s’agit d'organismes d'intérêt général visés aux articles 200 et 238 bis du CGI (associations ou fondations essentiellement, les SCIC en sont exclues en l'état actuel de la doctrine fiscale) ou de bailleurs HLM ou d'OFS pour du logement social.
Traitement comptable par la collectivité ?
Le Comité national de fiabilité des comptes locaux, a publié une fiche dédiée aux garanties d'emprunt, pour en appréhender le bon traitement comptable par les CT.
La garantie peut-elle s’appliquer à un prêt d’associés ?
La question concerne la possibilité de garantir non pas un emprunt bancaire ordinaire, mais le prêt consenti à l'entreprise d'ESS par l’un de ses associés en "compte courant d’associé" (CCA).
L'article L2252-1 du CGCT vise la possibilité de garantir un "emprunt" sans toutefois limiter la qualité du prêteur. Un apport en CCA constitue une opération de crédit selon l'article L313-1 du CMF, donc un emprunt pour la société débitrice, sans pour autant être considéré comme fonds remboursables du public selon le 1. de l'article L312-2 du CMF et donc dérogeant à la prohibition de l'article L511-5 du CMF (monopole bancaire), tel qu'a déjà pu en décider la Cour de cassation (Cass. com., 18 novembre 1986, 84-13.750 "l'apport à la société d'une somme d'argent en compte courant d'associé [...] constitue un prêt à la société"). Une collectivité peut par conséquent garantir un prêt en CCA.
RTES – Mission d’appui-conseil aux collectivités territoriales, septembre 2022
[1] Suivant la « Méthode de calcul de l’équivalent-subvention brut (ESB) pour les aides sous forme de garantie publique de prêts bancaires pour le financement d’investissements des entreprises » du 29 avril 2009 de la Commission européenne et la Fiche 15 (p.221) du Vade-mecum des aides d’Etat de 2020.
[2] "actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser"