Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Participation d’une régie publique locale à une SCIC

jeu 07/09/2023 - 11:48

Des collectivités ou groupements de collectivités, parmi les adhérents du RTES, se sont interrogées quant à la possibilité de voir une régie publique locale et plus particulièrement un établissement public local (EPL) qui lui est rattaché, souscrire à une SCIC. La question peut autant concerner des établissements publics administratifs (EPA) qu’industriels et commerciaux (EPIC), locaux.

S’agissant des régies dotées de la seule autonomie financière, bien que les articles L2221-11 à L2221-14 et R2221-63 à R2221-98 du CGCT qui les régissent, leur appliquent pour l’essentiel le régime de leur collectivité, leur absence de personnalité morale ne leur permet guère de souscrire des parts sociales de SCIC dont la propriété serait distincte de celle de leur collectivité territoriale ou groupement.

EPL (EPA & EPIC locaux)

La DGCL recense une pluralité d’EPL, par exemple : les CCAS/CIAS, les caisses des écoles, les OPH, etc.

Le cas des EPLE (Etablissements publics locaux d'enseignement) ou EPLCE (Etablissements publics locaux de coopération éducative : collèges et lycées surtout) et autres EPCC ou EPCE (Établissements Publics de Coopération Culturelle ou Environnementale) est particulier car créés par les CT et leurs groupements mais sur autorisation de l’Etat qui prend part au titre de ses compétences propres, donc contrairement à la proposition (n°II., 2.) du Conseil d’Etat dans son rapport de 2009 (p.63), ils ne sont pas catégoriquement binaires, à l’inverse des autres EPA ou EPIC, c’est-à-dire formellement soit entièrement rattachés à l’Etat, soit entièrement rattachés aux CT de différents niveaux. Ils sont régis par les règles des EPL pour l’exercice de leurs compétences relevant de leurs CT de rattachement.

L’article 34 de la Constitution confie au législateur, la création de catégories d’établissements publics, y compris locaux, toutefois dans le cadre des catégories instituées par la loi et selon le principe de leur libre administration prévue aux articles 72 et suivants, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer des établissements publics locaux.

Le CGCT régit les EPL, aux articles L2221-1 et suivants et R2221-1 et suivants (chapitre relatif aux régies municipales, dont les dispositions sont applicables aux autres collectivités et leurs groupements, par renvoi des articles L1412-1 et suivants et R1412-1 et suivants) et particulièrement le 1° de l’article L2221-4 et l’article L2221-10 qui dispose notamment que « Les régies dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière, dénommées établissement public local, sont créées, et leur organisation administrative et financière déterminée, par délibération du conseil municipal. Elles sont administrées par un conseil d'administration et un directeur désignés dans les mêmes conditions sur proposition du maire. » Les autres régies, qui ne sont dotées que « de la seule autonomie financière » selon l’article L2221-4 du CGCT, n’ont donc guère « de la personnalité morale » propre distincte de leur collectivité. 

Les établissements publics, y compris les EPL, sont soumis à un principe général de droit, de « spécialité », tel que le rappel le rapport de 2009 du Conseil d’Etat (p.11) dont « il découle qu’un établissement public a un champ d’action limité à celui circonscrit par le périmètre de ses missions » liées à leur objet social d’essence légale, réglementaire ou statutaire. « Le Conseil d’Etat a toutefois admis une conception plus souple de ce principe, notamment pour ce qui concerne les établissements publics exerçant des activités économiques (CE, 23 juin 1965, Société aérienne de recherches minières, R. p. 380 ; Avis de l’Assemblée générale, 7 juillet 1994, n° 356089, EDF-GDF, Grands avis du Conseil d’Etat, 2ème édition n° 31). Selon cette conception, le principe de spécialité interdit à un établissement d'exercer des activités étrangères à sa mission, sauf si ces activités en sont le complément normal et sont directement utiles pour l'amélioration des conditions d'exercice de celle-ci (CE, 29 décembre 1999, Société consortium français de localisation, R. p. 816). L'objet de la mission d'un établissement public peut, en outre, à tout moment être complété ou précisé par un acte réglementaire ou par la loi s'il constitue à lui seul une catégorie d'établissement public. »

La participation d’un EPL au sociétariat d’une SCIC

Comme EPL, l'Ordonnance n°2014-948 et son décret n°2014-949 relatifs à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, ne s’appliquent guère puisqu’ils concernent les entreprises dont l’Etat ou un établissement public national sont associés au capital. Ces règles pourraient s’appliquer aux EPLCE, EPCC ou EPCE, pour leur participation à une SCIC au titre d’une de ses activités bénéficiant à l’exercice d’une compétence relevant non pas des CT mais de l’Etat.

Il s’agit plutôt de s’en référer aux règles applicables aux collectivités territoriales ou leurs groupements et plus particulièrement à leurs EPL. A priori, l’article L5111-4 CGCT pour tous les EPL, voire plus précisément les articles R2221-53 CGCT pour les EPA et R2221-42 CGCT pour les EPIC (« La régie peut, dans les conditions prévues à l'article L. 2253-1, acquérir des participations financières dans les entreprises publiques, semi-publiques ou privées qui exercent une activité complémentaire ou connexe. ») ou encore R1431-18 CGCT pour les EPCC ou EPCE, rendent applicable aux EPL notamment l’article L2253-1 CGCT qui prohibe la participation au capital de société privée à part s’il s’agit d’entreprises publiques locales (SEML, SEMOP, SPL, SPLA), toutefois la doctrine s’accorde pour faire prévaloir la loi particulière relative aux coopératives (Loi n°47-1775) sur celle générale du CGCT afin notamment d’écarter cet article L2253-1 (pour les communes ; L5111-4 pour leurs groupements ; L3231-6 pour les départements et L4211-1 pour les régions) pour fonder la souscription, tant des collectivités territoriales et leurs groupements aux SCIC, mais également des EPL selon le même raisonnement juridique. L’Article 19 septies Loi n°47-1775  dans sa rédaction issue de l’article 33 de la Loi ESS du 31 juillet 2014 dispose en effet notamment que : « Peut être associé d'une SCIC […] toute personne publique. » 

Cet article ajoute que « Les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent détenir ensemble jusqu'à 50 % du capital de chacune des sociétés coopératives d'intérêt collectif. » toutefois en visant les « établissements publics territoriaux » de l’article 12 LOI n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la loi n’a pas concerné ni leurs entreprises publiques locales, ni leurs établissements publics locaux qui ont une personnalité juridique propre, distincte et autonome. En effet, la participation des EPL au capital social d’une société ne doit pas se confondre avec la participation de sa collectivité territoriale, tel que le Guide des SEML de la DGCL (p.48) l’établit s’agissant des participations conjointes de la collectivité territoriale et de son EPL en SEML. Dès lors, les participations des EPL ne sont pas comprises dans la limite de 50% du capital des SCIC applicables aux collectivités et leurs groupements. A la dissolution de l’EPL toutefois, la reprise du passif et de l’actif de l’EPL dans les comptes de sa CT de rattachement selon l’article R2221-17 CGCT, implique également le transfert des parts sociales de SCIC jusque-là détenues par l’EPL qui viendront s’ajouter aux parts de la CT ou son groupement. 

Outre la compétence générale du conseil d’administration (CA) de l’EPL pour délibérer selon l’article R2221-18 CGCT, donc notamment sur une prise de participation en SCIC, l’article R2221-22 CGCT dispose que « Le représentant légal d'une régie est, soit le directeur lorsqu'il s'agit d'une régie chargée de l'exploitation d'un service public à caractère industriel et commercial, soit le président du conseil d'administration lorsqu'il s'agit d'une régie chargée de l'exploitation d'un service public à caractère administratif. » Par conséquent, le représentant de l’EPL associé au sein d’une SCIC, est son président de CA lorsqu’il s’agit d’un EPA local et son directeur lorsqu’il s’agit d’un EPIC local. Bien que particuliers, les EPCC ou EPCE répondent au même cadre, où le CA est fondé par l’article R1431-7 CGCT (pour la « prises, extensions et cessions de participations financières ») ;  il en va de même pour les EPLE pour ce qui est des compétences des collectivités (construction, rénovation et entretien des bâtiments, fonctionnement dont accueil, de restauration, d’hébergement et d’entretien technique) qui confie sa représentation légale à son directeur à l’article R421-9 du Code de l’éducation. L’absence de décrets d’application pour les EPLCE des articles L1441-1 et L1441-2 du CGCT, tend à leur appliquer le régime général des EPA locaux, pour l’exercice de compétences rattachées aux CT et leurs groupements.

Enfin, il s’agit de rappeler les dispositions de l’article L1111-10 du CGCT, dont le I. prévoit que la contribution que le département peut apporter à leur demande, « au financement des projets dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes, leurs groupements » peut également être apportée depuis sa révision de fin 2019 (art. 71 LOI n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique), aux « établissements publics qui leurs sont rattachés », mais surtout aux « sociétés dont ils détiennent une part du capital ». Malgré la Loi NOTRe, le département peut dès lors soutenir un projet conduit par une SCIC dont les communes, leurs groupements ou les EPL qui leur sont rattachés, détiennent au moins une part sociale. Le cas échéant, il n’y aurait pas lieu d’appliquer la règle du III. de l’article L1111-10 CGCT imposant aux collectivités territoriales ou leur groupement, une « participation minimale du maître d'ouvrage est de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet » car la SCIC demeure une entreprise privée, toutefois s’il s’agit de financer un investissement immobilier, l’article R1511-14 s’appliquerait et particulièrement son III. qui dispose que « Les aides à l'investissement immobilier ne peuvent être accordées que si 25 % au moins des dépenses liées à l'investissement immobilier sont financées sans aucune aide publique. »

L’attribution de marché public de l’EPL à une SCIC

La doctrine rappel que « comme toute société, les SCIC peuvent être candidates à une offre de marché public portant sur la fourniture de biens ou de services, ou encore sur la prise en charge d'une délégation de service public. Elles ont la possibilité de concourir à l’appel d’offre d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités, que celui-ci soit ou non sociétaire la société coopérative. Dans le cas où la collectivité ou le groupement est sociétaire de la SCIC, le représentant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités auprès de la société coopérative ne doit pas participer à la décision d’attribution. Cette problématique est similaire à celle rencontrée pour les associations. » Il en va de même des EPL qui sont soumis au cadre de marché public de leur CT de rattachement selon l’article R2221-24 du CGCT.

La spécificité tenant à la potentielle participation de l’EPL au sociétariat d’une SCIC la place dans une situation analogue à une SEML :

  • le régime de la « quasi régie » (« in house ») est écarté dès lors que la SCIC compte des associés privés non prescrits par la loi  (3° de l’article L2511-1 du code de la commande publique) ; 
  • le chef d’établissement de l’EPLE siégeant au sein d’une SCIC est soumis aux règles de déport, s’abstenant d’instruire ou délibérer un marché auquel concours la SCIC. 

Les SCIC sont notamment éligibles comme entreprises de l’ESS, aux marchés réservés de l’article L2113-15 du code de la commande publique.

Ce contenu est incomplet, pour en consulter la totalité connectez-vous ou devenez adhérent.

Mon espace adhérent

Devenir adhérent