Inquiétudes sur le cadre financier pluriannuel 2028/2034 européen
Dans un communiqué paru le 16 juillet, la Commission européenne présente sa proposition de cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2028-2034. Les premières orientations présentent un cadre budgétaire largement revu, et suscitent de profondes inquiétudes quant à la renationalisation massive et à l'affaiblissement de la politique de cohésion.
Cette première proposition, d'un montant de 2 000 milliards d’euros, redéfinit les règles de redistribution des enveloppes financières de l’Europe vers les Etats en s’appuyant sur trois piliers : un fonds dédié à l’Europe dans le monde (11 %), le Fonds européen pour la compétitivité (23 % du budget) et, mobilisant 48 % du cadre financier, le pilier des « plans de partenariats nationaux et régionaux » qui englobent l’actuelle politique agricole commune et la politique de cohésion.
La Commission précise : "Ces plans seront conçus et mis en œuvre en partenariat étroit entre la Commission, les États membres, les régions, les communautés locales et toutes les autres parties prenantes concernées. En outre, il y aura un montant minimal obligatoire pour les régions moins développées". Ces plans doivent ainsi intégrer toutes les mesures de soutien « pertinentes ». Et envisager aussi bien « les travailleurs, les agriculteurs ou les pêcheurs, les villes ou les zones rurales, les régions ou le niveau national ». Bruxelles est convaincu qu’il s’agit là du moyen « le plus efficace de soutenir les territoires ». 14 % des dotations nationales devront financer des réformes et des investissements qui « renforcent les compétences, luttent contre la pauvreté, promeuvent l’inclusion sociale et favorisent les zones rurales ».
Ces premières orientations confirment les alertes des réseaux français et européens de l'ESS sur le risque de suppression des fonds structurels européens de la politique de cohésion (FSE+, FEDER, FEADER...) et la crainte de recentralisation de la gestion des fonds européens, avec de potentielles coupes budgétaires qui questionnent la pérennité des principaux programmes d'investissement social. Retrouvez notamment:
- L'appel d'ESS France Pour une politique de cohésion à la hauteur des défis européens, la société civile française se mobilise !, et l'appel de Social Economy Europe
- La réaction du Comité européen des Régions , dénonçant "une renationalisation massive et l'affaiblissement de la politique de cohésion au profit de plans nationaux monstres". La présidente du Comité européen des régions, Kata Tüttő, a déclaré : " Après des mois de secret injustifié, la Commission européenne a présenté une proposition complexe et controversée qui met en péril le rôle des régions et des villes dans le projet européen". Pour Marie-Antoinette Maupertuis (FR/EA), présidente de l'Assemblée de Corse et rapporteur d'un avis sur le budget de l'UE et les politiques territorialisées: "Les territoires ne sont pas de simples guichets d’exécution des priorités européennes : ils en sont les architectes de terrain. Si la Commission veut un budget plus simple, plus stratégique, plus proche des citoyens, alors elle doit placer les régions au cœur du jeu. Co-construction, gouvernance partagée, résultats territorialisés : voilà les piliers d’un budget européen du XXIe siècle".
- Les communiqués de France urbaine et de l'Association des Maires de France
- Remettre en cause la territorialisation de la politique de cohésion « sape un des fondements de la construction européenne et abandonne l’ambition longtemps portée par la France d’assurer un fonctionnement harmonieux du marché unique », relève pour sa part Philippe Laurent, le président de l’AFCCRE (Association française du conseil des communes et régions d’Europe).
La Commission européenne annonce également dans le communiqué à retrouver intégralement ICI:
- un programme Erasmus+ renforcé et un programme AgoraEU pour promouvoir les valeurs communes, notamment la démocratie, l'égalité et l'état de droit, et soutenir la diversité culturelle européenne, ses secteurs audiovisuel et créatif, la liberté des médias et la participation de la société civile.
- un nouveau Fonds européen pour la compétitivité, doté de 409 milliards d'euros, avec un soutien centré sur quatre domaines:
- transition propre et décarbonation;
- la transition numérique;
- santé, biotechnologie, agriculture et bioéconomie;
- la défense et l'espace.
- le programme Horizon Europe, d'une valeur de 175 milliards d'euros, continuera de financer l'innovation.
- un nouveau mécanisme de crise spécifique pouvant atteindre près de 400 milliards d'EUR de prêts aux États membres, qui sera déclenché lorsque de graves crises frapperont l'Union.
- un financement de 34 milliards d'EUR (3 fois plus que le CFP actuel) pour la gestion des migrations, le renforcement des frontières extérieures de l'UE et le renforcement de la sécurité intérieure.
- un programme unique Europe dans le monde sera doté d'une valeur de 200 milliards d'EUR pour l'action extérieure de l'Union
- 100 milliards d'EUR pourront être mobilisés en faveur de l'Ukraine au cours de la période 2028-2034.
Le communiqué présente également de nouvelles ressources propres : Système d'échange de quotas d'émission de l'UE (SEQE) ; Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) ; Ressource propre fondée sur les déchets électroniques non collectés ; Ressource propre d'accise sur le tabac ; ressource d'entreprise pour l'Europe (CORE). Ensemble, ces cinq nouvelles ressources propres devraient générer des recettes d'environ 58,5 milliards d'EUR par an.
La décision relative au futur budget et système de recettes à long terme de l'UE sera examinée par les États membres au sein du Conseil. L'adoption du règlement CFP requiert l'unanimité, après approbation du Parlement européen. Certains éléments du volet des recettes (notamment les nouvelles ressources propres) requièrent l'unanimité au sein du Conseil et l'approbation des États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.