Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

hameau
Publié le 5 décembre 2019 - mis à jour le 16 janvier 2020

Denis Hameau : « On a besoin d'aller vers un modèle beaucoup plus décentralisé et de confiance »

Denis Hameau est vice-président du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté en charge de l'ESS et président de la commission déléguée à l'ESS de Régions de France. Il revient pour nous sur les actualités de la politique ESS de la Région Bourgogne Franche Comté et sur les travaux de la commission ESS de Régions de France, notamment sur la place de l'ESS dans les futurs programmes européens.

 

Quelles sont les actualités de la politique ESS de la Région Bourgogne-Franche-Comté ?

Nous avons accueilli la semaine dernière la 4ème édition des Journées de l'Economie Autrement, qui confirme leur capacité à rassembler un grand nombre de participants autour d'intervenants de très haut niveau, et nous aident à penser de manière innovante, avec l'objectif de déboucher sur des alternatives politiques et économiques concrètes. Ces Journées furent aussi pour la Région l’occasion de mettre à l’honneur des projets ESS de Bourgogne-Franche-Comté à travers l’attribution de prix qui donnent du corps, par l’exemple, aux propos politiques lors de la session d’ouverture des JEA.

En amont des Journées de l'économie autrement, nous avions également organisé la « rencontre régionale de l'innovation sociale » le 21 novembre, avec Julia De Funès qui est intervenue sur les questions liées à la confiance et aux modes de management dans l'entreprise. Cette rencontre participe de la volonté de la Région d’animer un réseau de la Responsabilité sociétale des entreprises qui mêle des initiatives non seulement de l’ESS, mais aussi d’entreprises dites classiques.

Avec un budget annuel de 8 millions d'euros, nous nous concentrons sur quelques priorités stratégiques, avec un gros volet de 5 millions d'euros sur le soutien aux emplois dans les associations d’aides à domicile (plus de 2.5 M€ par an) et dans les entreprises d’insertion et les entreprises de travail temporaire d’insertion (environ 2.1 M€ par an) à la formation professionnelle des acteurs de l'aide à domicile, 2 millions d'euros sur le soutien aux entreprises de l'IAE, ainsi qu'un volet sur la transmission et reprise d'entreprises en coopératives et sur l’accompagnement des projets ESS.

Nous avons également développé, depuis le début du mandat un dispositif de soutien à l'ingénierie territoriale, le « Générateur BFC », qui vise à accompagner de bout en bout des projets d'économie de proximité dans les territoires les plus isolés (ruraux ou en quartiers politique de la ville).

Co-construit avec 6 acteurs reconnus du développement territorial solidaire, ce générateur détecte et impulse les activités à potentiel au sein des territoires qu’il accompagne, par exemple des cafés multi-activités au sein d'un village. Ce « Générateur BFC », reprenant et complétant l'ex-dispositif « Émergence » de l'ancienne région Franche Comté, monte actuellement en puissance, avec 2,4 millions d'euros mobilisés sur la durée du mandat. Sur 117 intercommunalités dans la région, 100 n'ont pas les capacités en ingénierie pour accompagner les projets de bout en bout. Le Générateur s'est donc donné pour objectif d'accompagner 50 projets sur ces territoires sur la durée du mandat (30 projets accompagnés actuellement). Pour chaque projet, la Région mobilise de 15 000 à 20 000 euros, en co-financement de l'intercommunalité accompagnée qui s'engage à apporter soit un soutien financier ou foncier, soit un soutien humain.

Plus d'informations sur : http://www.generateurbfc.fr

Régions de France (anciennement Association des Régions de France), a depuis plusieurs années une commission dédiée à l'ESS que vous présidez. Quels sont les principaux travaux engagés par la commission ?

Nous travaillons depuis 2016 avec l'Avise à la création de nouveaux indicateurs d'évaluation de projets d'ESS démontrant l'impact économique mais aussi social, environnemental, territorial des projets, ainsi que les coûts cachés évités. Par exemple, un projet d'utilité sociale sur les questions d'addictions fait faire des économies à notre système de santé en agissant en prévention, qui ne sont généralement pas prises en compte. Ces indicateurs d'impact doivent permettre d'aller plus loin que les critères classiques lors d'appels d'offres que sont le prix et la qualité.

En tant que président de la commission ESS, j'ai par ailleurs demandé à ce que l'ESS soit présente dans les publications de Régions de France et notamment dans sa newsletter, afin de donner de la visibilité et mettre en valeur l'ESS.

Comment voyez-vous la place de l'ESS dans la préparation des futurs Programmes Opérationnels Régionaux ?

Nous avons anticipé la préparation de ces  programmes opérationnels régionaux (POR)  pour la programmation 2021-2027 des fonds européens, en organisant  un atelier dédié à l'ESS lors du dernier congrès des Régions de France à Marseille en 2018. Cet atelier sur l'ESS, qui était une première, était d'ailleurs organisé avec le soutien du RTES et de l'Avise. Il avait pour thème "L'ESS et les collectivités territoriales en Europe" (voir notre article dédié).

Par la suite, nous avons continué à nouer des liens avec des représentants de la Commission européenne, qui ont d'ailleurs participé à une réunion de la commission ESS à Paris.

Je suis confiant pour la place de l'ESS dans les futurs POR, nos demandes de simplification de l'accès aux fonds européens notamment pour les petites et moyennes structures ont été entendues, même si en France, l'État reste davantage dans le contrôle, dans une logique comptable des fonds européens. Dans d'autres pays comme la Pologne ou la Belgique, l’État est dans une logique de simplification et de coaching des projets d'innovation sociale, alors La finalité du projet devient moins importante que la procédure à respecter pour toucher les fonds, et une procédure parfois changeante peut mettre en danger certains projets.

De manière plus générale, on assiste actuellement à un mouvement de recentralisation du pouvoir, avec une reprise en main financière de l'État et des marges de manœuvre limitées pour les collectivités. On a au contraire besoin d'aller vers un modèle beaucoup plus décentralisé et de confiance, avec un État stratège qui laisse les territoires inventer les solutions de demain.

Si l'on ajoute les mots « territoire » et « écologie » à l'économie sociale et solidaire, on arrive à formuler un modèle politique et d'actions concrètes porteur de sens, qui permet de répondre aux grandes transitions actuelles (agricoles, énergétiques, numériques, …). À condition d'avoir une organisation beaucoup plus décentralisée et qui fasse confiance à l'intelligence collective.

Crédit photo Région Bourgogne-Franche-Comté / David Cesbron