Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

mahel
Publié le 6 novembre 2019 - mis à jour le 7 novembre 2019

Entretien croisé avec Mahel Coppey & Christiane Bouchart

Suite au Conseil d'administration du 22 octobre 2019, Christiane Bouchart a passé le relais à Mahel Coppey, élue nouvelle présidente du RTES. Dans cet entretien croisé, elles reviennent pour nous sur leur parcours et leur vision du RTES et de l'avenir de l'ESS.

Pouvez-vous nous présenter vos parcours professionnels et d'élues locales ? Quelles sont les raisons qui vous ont poussées à vous engager en politique ?

Mahel Coppey : Je suis d'abord une militante, issue du monde associatif et de l'ESS. Après un parcours professionnel dans la solidarité internationale, je suis élue en 2014  vice-présidente déléguée à l’Economie Sociale et Solidaire et à l’économie circulaire de Nantes Métropole. Cette délégation à l'ESS était une première dans la métropole nantaise, d'autant plus qu'elle faisait le lien avec l'économie circulaire.

En accord avec mes engagements citoyens, j'ai voulu m'engager dans la vie politique afin de participer plus activement à la vie de la Cité. J'avais envie d'être utile, d'œuvrer pour l'intérêt général, de passer du discours aux actes.

Je suis persuadée que l'ESS est un levier à la fois créateur d'emplois locaux durables et vecteur de liens sur le territoire. L'ESS offre des solutions en proximité qui conjuguent développement économique, cohésion sociale, solidarités, initiatives citoyennes et transition écologique. Elle représente bel et bien une réponse concrète à l'urgence sociale et climatique que notre génération doit relever.

Christiane Bouchart  : Je suis élue depuis 2001, en tant que conseillère municipale déléguée à l'économie sociale et solidaire à la Ville de Lille. À l'époque, le soutien à l'ESS était une politique publique naissante, avec au niveau national un secrétariat d'État à l'Économie solidaire porté par Guy Hascoët,  créé en 2000. Il a fallu faire reconnaître l'ESS comme un modèle économique à part entière, et démontrer qu'étant transversale, elle pouvait répondre aux besoins de l'ensemble des politiques publiques locales. Dans la manière de développer cette nouvelle politique publique, la démarche de co-construction est vite apparue naturelle pour fédérer l'ensemble des acteurs du territoire autour d'une définition et des valeurs de l'ESS, mais aussi pour mutualiser certains outils, tels que les pôles d'accompagnement de la finance solidaire notamment.

Ce qui m'a poussé à rentrer en politique, c'est clairement le mode de faire des écologistes. J'étais déjà présente dans plusieurs associations et je faisais du syndicalisme, et j'ai été attirée par la démarche collective engagée dans la campagne des municipales, avec un programme coconstruit lors d'ateliers participatifs organisés dans les quartiers et ainsi une capacité à s'adresser à toutes les catégories de population.

Christiane, durant votre mandat de présidente, quelles ont été les principales réussites du RTES et un point d'amélioration que vous retenez ? Quels défis à venir pour l'ESS ?

En 18 ans, nous avons réussi à construire ce réseau, en ayant aujourd'hui une couverture nationale significative et en rassemblant plus de 130 collectivités de tous échelons confondus. Cela témoigne du fait que le RTES apporte des réponses pour accompagner les territoires adhérents à mener localement leur politique de soutien à l'ESS.

Je reconnais également notre capacité à être réactif sur les sujets qui émergent dans les territoires, et ainsi à accompagner les collectivités sur ces nouvelles questions, dernièrement sur le lien entre ESS & revitalisation des coeurs de ville, sur l'accès au foncier des acteurs de l'ESS, sur la question des communs...Cela prouve une certaine agilité du RTES.

Nous pouvons également être fiers que le RTES ait été reconnu et associé à la loi ESS de 2014 portée par Benoît Hamon. Nous sommes aujourd'hui encore reconnus dans le paysage institutionnel, que ce soit au niveau local, national voire à l'échelle européenne. Nous avons notre place aux côtés d'autres réseaux de collectivités, nous sommes par exemple partenaire de l'Association des Maires de France dans l'organisation d'un temps dédié à l'ESS lors de leur prochain Congrès des maires.

Pour autant, cette reconnaissance institutionnelle reste à poursuivre, à l'heure où ESS France arrive à structurer beaucoup mieux l'ensemble des acteurs de l'ESS, nous devons renforcer notre complémentarité avec les autres réseaux nationaux de l'ESS.

Concernant l'avenir de l'ESS, il apparaît de plus en plus clairement qu'elle doit se saisir des questions de transition et être en capacité d'apporter des réponses aux enjeux actuels d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. L'ESS doit également continuer à créer de nouveaux emplois et de nouveaux métiers qui viennent réinterroger la production de richesse. Pour autant, pour continuer à progresser, il me semble que l'ESS doit aussi créer davantage de passerelles et d'alliances avec les artisans, commerçants et PME pour faire bouger les lignes.

Et pour vous Mahel, quels sont les principaux défis pour l'avenir du RTES et de l'ESS ?

Je pense aux défis que les administrateurs du RTES ont collectivement identifiés lors d'un séminaire prospectif à Montreuil en septembre 2019.

Il nous faudra tout d'abord poursuivre notre travail de plaidoyer autour de la place de l'ESS dans les politiques publiques (locales, nationales et européennes). Comment faire mieux reconnaître le rôle des collectivités locales dans le développement de l'ESS ?

Nous portons la conviction que l'ESS est un modèle économique d'avenir au coeur de la transition écologique et solidaire. Nous aurons une attention particulière pour les prochaines élections municipales, qui sera l'occasion d'accueillir et d'outiller les « futures » équipes municipales, en posant l'ESS comme matrice des projets et des politiques dans les territoires.

Le renforcement du rôle d'influenceur du RTES passera également par le développement d'alliances et de partenariats en transversalité avec des réseaux proches, sur les questions climatiques, de santé environnementale et de résilience territoriale notamment, pour s'enrichir en partageant nos réflexions et analyses, mais aussi pour peser davantage et faire bouger ensemble les lignes et les réglementations.

Le RTES doit également continuer à être un détecteur et amplificateur de l'ESS dans les territoires. Nous poursuivrons notre travail d'exploration, de défrichage et de repérage des innovations et défis communs dans nos territoires. L'idée est de faciliter l’essaimage au niveau national des démarches réussies et d'assurer ainsi un véritable changement d'échelle de l'ESS.

Et bien sûr, nous allons préparer dignement la fête des 20 ans du RTES en 2021 !