Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Sociale et Solidaire

Publié le 10 juin 2013

Retours de la conférence parlementaire sur l’ESS

Le 28 mai dernier avait lieu une conférence parlementaire sur l’ESS à la Maison de la Chimie à Paris, présidée par Sophie Auconie (députée européenne), Frédérique Espagnac (sénatrice) et Francis Vercamer (député du Nord), en présence de Benoît Hamon. Christiane Bouchart, présidente du RTES, est intervenue sur le rôle des collectivités locales en matière de soutien à l'ESS et les enjeux de la loi sur l'ESS.

Patricia Andriot, vice-présidente de la région Champagne-Ardenne et membre du bureau du RTES, est également intervenue sur le rôle des régions en matière de financement. Elle revient, pour le réseau, sur les échanges et réflexions de la journée:


«  A quelques semaines de la présentation de la loi en préparation en conseil des ministres, il s’agissait de mettre en regard le texte de loi, présenté par le Ministre lors de la conférence, et les différents éclairages de parlementaires et d’acteurs concernés.

Les différentes introductions de la journée, ont permis de mettre en évidence un contexte tout à fait particulier pour l’ESS, notamment du fait de la crise, qui n’est sans doute que le révélateur d’une dynamique, qui a muri dans l’ombre depuis de nombreuses années. En France, mais aussi en Europe et dans de nombreux autres pays (Amérique Latine, Canada, …) l’idée d’une voie alternative pour l’économie fait son chemin, s’institutionnalise, tant dans les lois que dans les formations de plus en plus nombreuses sur le sujet.

Tout l’enjeu des discussions actuelles, et donc de la loi, est de conforter ce secteur pour qu’il ne reste pas une vitrine ou une caution mais qu’il soit bien vecteur de transformations économiques plus profondes. Dans cette perspective, il s’agit de permettre de meilleures conditions d’exercice et de diffusion des principes de l’ESS, donc en les protégeant tout en permettant une ouverture, un dialogue avec l’économie capitaliste pour changer d’échelle. C’était déjà la ligne du rapport Vercamer et c’est l’esprit de la loi, rappelé avec force par le ministre en place.

Et Benoit Hamon de rappeler que « l’objectif n’est pas de faire une loi déclarative d’intention, mais bien de produire de la norme qui colle à la réalité et qui facilite la vie des acteurs et leur permet de peser dans la société ».

Pour présenter le texte de loi en préparation qui comporte de nombreux chapitres et articles, il en rappelle les 3 axes forts que sont :
-la reconnaissance de l’ESS à travers une définition qui réaffirme les principes de bases (gouvernance, non lucrativité, gestion désintéressée, et qui clarifie le périmètre sur quoi repose tout le reste)
-la structuration de l’ESS dans les territoires, qui sera aussi porté par la loi de décentralisation. Il s’agit là de souligner le caractère fondamental de l’ancrage territorial de l’ESS en misant notamment sur l’idée de pôle territorial de coopération économique (PTCE), mais aussi de reconnaitre l’importance de l’innovation sociale.
-le développement du secteur, par l’adaptation d’un certain nombre d’outils et de mesures en faveur de chacune des familles de l’ESS : mesures fiscales, reconnaissance et protection de la notion de subvention dans le contexte du paquet Almunia, ...

Suite à cette présentation, les interventions des différents acteurs, organisées autour de plusieurs tables rondes ont mis en évidence plusieurs points: le principe d’une loi, très attendue pour le secteur, comme son contenu à ce stade, est unanimement salué et les interventions confirment un consensus autour des enjeux de celle-ci – enjeux bien résumés par Fanélie Carrey-Conte, députée de Paris et vice-présidente du groupe d’études sur l’ESS à l’Assemblée.

Il s’agit dit-elle de :

-réinstaller et ancrer dans la durée une politique publique pour le secteur ESS

-résister à la tendance lourde d’harmonisation de toutes les politiques publiques vers une logique qui exacerbe la seule logique concurrentielle, et organiser la reconnaissance de la spécificité de certains secteurs et de l’intérêt de dépasser la seule logique marchande des relations économiques.

-faire de l’ESS une économie d’ampleur et un modèle alternatif significatif qui n’est pas qu’une vitrine ou une caution. Il faut aider pour cela au dépassement de l’hétérogénéité du secteur.

-enfin, installer l’ESS dans un projet politique de refondation ou transformation du modèle économique.

L'affirmation de l'ancrage territoriale de l'ESS, bien présent dans la loi, a été aussi soulevé comme un enjeu majeur par plusieurs participants dont Christiane Bouchart, présidente du RTES.

Au-delà de ces aspects consensuels, on notera cependant que les interventions des uns et des autres privilégient encore beaucoup la mise en avant de ses caractéristiques propres, et la grande vigilance de chacun pour bien prendre place dans un secteur à l’aube d’une nouvelle reconnaissance. Ce positionnement est légitime compte-tenu de l’hétérogénéité du secteur mais c’est sans doute un des grands enjeux de la loi que d’opérer ce dépassement des particularismes pour mieux peser dans son rapport de force avec l’économie capitaliste.

De la capacité de faire bloc face aux résistances qui ne manqueront pas de faire jour lors du débat parlementaire (pour éviter la consolidation trop forte d’un modèle qui interroge forcément par effet miroir le modèle économique dominant) se dégagera ou pas la parution effective d’une loi ambitieuse, normative et pas seulement déclarative, conformément à la volonté - appuyée - du ministre. »

Retrouvez les interventions:
- de Christiane Bouchart lors de la table ronde sur les actions menées par l’Etat et les collectivités en matière d’ESS et les enjeux de la loi–cadre,
- de Patricia Andriot lors de la table ronde sur les besoins de financement de l’ESS et les solutions mises en œuvre ou a l’étude.