Construire des territoires solidaires
Lors de l’assemblée générale de juillet dernier, les adhérents du RTES invitaient l’Etat à respecter les conventions territoriales l’engageant pour 3 ans avec une trentaine de collectivités, dont de nombreux membres du réseau. Simultanément les multiples initiatives solidaires qui se sont développées ces dernières années recherchent dans leurs territoires des réponses au désengagement de l’Etat. Petit tour de France de l’aménagement de ces territoires solidaires d’est en ouest, du nord au sud.
En Bourgogne, 3 territoires intercommunaux, tous adhérents du RTES, étaient inscrits dans une convention avec l’Etat. Conformément aux engagements souscrits, ils comptaient donc sur 45 000 € par an durant 3 ans pour aider à construire l’économie solidaire dans leurs territoires. Mais dès 2003, ces financements commencent à jouer au « yoyo », selon l’expression de Jean-Patrick Masson, élu à la Ville de Dijon, et à la Comadi (Communauté d’agglomération de Dijon) : « une demi-année en 2003, puis rien l’année suivante, la surprise a été désagréable… » Pourtant avec 13 % d’emplois dans le secteur, confirmés par une récente enquête, la région peut faire valoir ses réalités solidaires.
Dans l’agglomération dijonnaise, un Programme de soutien aux initiatives de l’économie sociale et solidaire s’efforce de répondre aux besoins d’ingénierie en associant à la Communauté d’agglomération des fonds issus d’autres politiques de l’Etat, de la Caisse des dépôts, et du Conseil régional, nouveau venu encore timide dans le financement de l’ESS mais dont la part pourrait s’accroître considérablement dès l’année prochaine.
A l ‘Ouest, l’agglomération rennaise a mieux traversé les avanies budgétaires ; titulaire d’une des premières conventions territoriales, signée dès 2002, elle a pu arriver à son terme amoindrie mais pas anéantie, fournissant une sorte d’exception confirmant la règle.
Dans la capitale bretonne, l’économie solidaire s’appuie sur une armature ramifiée, le Plan local de développement de l’ESS étant porté (voir article pp.2 et 3) par un comité de pilotage constitué de membres désignés par les 4 collèges du CODESPAR et de membres associés (la CRES, des structures, des représentants de l’Etat, des techniciens des collectivités locales et des services d’Etat). Ce comité se réunit régulièrement et propose des axes de travail validés et mis en œuvre ensuite par un bureau opérationnel.
La Région Bretagne par la voix de sa première vice-présidente, Marylise Le Branchu, pousse d’ailleurs à des contractualisations dans l’ensemble des 22 pays bretons, contrats qui pourraient inclure l’économie sociale et solidaire dans une bonne moitié des cas.
Confirmation dans le Nord – Pas-de-Calais
Dans Le Nord–Pas-de-Calais, où l’intervention de la Région est acquise depuis la conclusion du plan Régional de développement de l’ESS (voir Lettre RTES n°1 et site RTES), il s’agit maintenant de le décliner dans les différents territoires, à l’échelle des intercommunalités (agglomérations et pays)
A Lille, le premier plan local, accompagné dep son démarrage en 2003, s’articulera après deux tranches de 18 mois en à partir de décembre 2005 pour laisser place à avec un plan négocié au niveau des 85 communes de l’agglomération lilloise (CUDL, 1 million d’habitants).
Dans cette première génération, d’autres plans locaux ont été soutenus à Villeneuve d’Ascq, Seclin ou Valenciennes. L’objectif visé à 3 ans est de conclure de 20 à 25 plans locaux.
Pour convaincre les territoires de s’engager dans la démarche, la Région est prête à mettre les moyens puisqu’elle prévoit de financer jusqu’à 80 % du Plan, laissant seulement 20 % à la charge de l’intercommunalité. Mais Rabah Ghomrane, technicien du PRDESS, ne minore pas les difficultés : « la conclusion d’un plan nécessite un important travail préalable d’études et de mise en réseau, mais la démarche n’est pas toujours sûre d’aboutir. Dans la conclusion d’un plan, la première année est consacrée au montage et à l’ingénierie, et après validation, le Plan s’engage sur 3 ans, les actions étant évaluées chaque année, leur financement revu également chaque année, même si l’engagement moral est accordé sur les 3 ans. »
Déjà plusieurs territoires régionaux s’engagent dans la démarche à côté de la CU de Lille. Il s’agit des agglomérations d’Arras, de Boulogne et de Cambrai. Dans ce premier tour de piste, les pays plus ruraux apparaissent en retrait, les procédures de validation politique étant moins formalisées que dans les agglomérations.
Innovation en Rhône-Alpes
En Rhône-Alpes, comme dans la plupart des régions, l’événement 2004 aura été le basculement des pouvoirs régionaux qui ouvre de nouveaux horizons à l’ESS. Ainsi en Rhône-Alpes, l’objectif de Jean-Marc Lecullier, élu régional de l‘Ain et animateur du Groupe de travail ESS au Conseil Régional peut s’énoncer simplement : « L’ESS pèse grosso modo 10 % des emplois, une récente étude régionale de l’Insee confirmant cette évaluation. La part du budget du développement économique régional affecté à l’ESS doit donc correspondre au même chiffre ». Ce qui équivaudrait à 4 millions d’€ environ et pour l’heure, on en est loin...
Si la région compte 6 territoires ayant conventionné avec l’Etat, ici comme souvent les paiements se sont raréfiés dès la deuxième année. Quant à la Région, elle n’avait jusqu’alors jamais reconnu les initiatives relevant de l’ESS, s’interdisant entre autre de soutenir les scops.
Aussi, pour y parvenir, et épouser les spécificités d’une ESS rhône-alpine tournée vers l’innovation, la Région envisage d’intégrer le financement de l’ESS dans l’ensemble de ses politiques et de lancer dès mars 2005 un appel à projets doté d’1,5 millions d’€, dans lequel l’emploi sera un critère déterminant. Pour ce qui concerne les solutions coopératives, longtemps ignorées, elles seront à l’avenir fortement soutenues (à hauteur d’1 Million €) dans le cas des reprises d’entreprises par les salariés.
Pour finir ce petit tour de France, passage par l’Ile de France, où l’économie sociale et solidaire devrait connaître une année faste en 2005 ponctuée au printemps par des « Assises régionales». Longtemps dilués dans les circuits politico-administratifs de la Région, des crédits mobilisables pour les actions devraient apparaître à l’occasion du prochain budget et à une hauteur digne de la région-capitale. Egalement dans les cartons, l’ouverture d’un centre de ressources et le lancement d’un appel à projets.
Coup d’envoi de cette année prometteuse, le mercredi 8 décembre à Paris, où Francine Bavay, vice-présidente régionale, chargée du développement social et de l’ESS, ouvrira le débat avec les acteurs sur la « Région solidaire», dans le cadre de la première conférence régionale pour l’emploi.