La loi d’orientation agricole adoptée avant le Salon de l'agriculture
Adoptée deux jours avant l'ouverture officielle du Salon international de l'agriculture, la loi d'orientation agricole traite de nombreux sujets : formation, simplification, normes environnementales... Présentée comme une réponse à la colère de nombreux agriculteurs et agricultrices, le texte final est très critiqué par la gauche et les associations d'environnement, qui s'alarment d'un certain nombre de reculs et de renoncements.
Pourquoi une loi d'orientation agricole ?
Le Président de la République a annoncé en septembre 2022 sa volonté de créer “un Pacte et une loi d’orientation et d’avenir agricoles”. Les lois d’orientation agricole sont des projets législatifs visant à modifier en profondeur la politique agricole française. Portée par Annie Genevard, ministre de l’agriculture, cette loi donne les grandes orientations de la politique agricole française pour les prochaines années, pour répondre à un double enjeu :
- Le renouvellement des générations agricoles : la population agricole française ne cesse de diminuer. La France comptait 1,6 millions d’agriculteur.rice.s en 1970, elle en compte moins de 500 000 en 2020. D’ici 10 ans, la moitié des agriculteurs actuellement en activité aura atteint l’âge de la retraite, et le taux actuel d’installation en agriculture est insuffisant pour compenser ces départs (13 000 installations agricoles par an contre 21 000 arrêts annuels d’activité).
- La transition écologique et l’adaptation aux enjeux climatiques : les impacts du changement climatique sur l’agriculture, déjà visibles aujourd’hui, sont nombreux et ne cessent de s’intensifier : augmentation des besoins en eau, variabilité du régime de précipitations, augmentation de la fréquence et de l’intensité des aléas climatiques (sécheresses, canicules, crues), prolifération des maladies et ravageurs, baisse des rendements.
Ce qu’il faut retenir de la loi :
- L'agriculture élevée au rang d'"intérêt général majeur" : l'une des mesures phares de cette loi consacre "la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture" au rang d'"intérêt général majeur". Objectif : nourrir la réflexion du juge administratif et faciliter le parcours de projets de structures comme les retenues d'eau ou les bâtiments d'élevage hors-sol, lorsqu'ils sont mis en balance avec un objectif de préservation de l'environnement.
- Des installations et des transmissions facilitées pour compenser les départs massifs à la retraite attendus dans les 10 ans à venir, avec l'objectif de "400 000 exploitations agricoles" en France en 2035, et 500 000 paysans travaillant sur ces exploitations.
- Une dépénalisation de certaines infractions à l'environnement et destructions d’espèces protégées. Pour les atteintes « non-intentionnelles », les sanctions pénales (jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende) sont remplacées par une amende de 450 euros ou un « stage de sensibilisation aux enjeux de protection de l’environnement ».
- La réduction des sanctions en cas de mauvaise gestion et destruction des haies
- L’article 15 facilite la construction de retenues d’eau (dont les mégabassines) et de bâtiments d’élevage, en réduisant les délais de recours.
- Le Parlement instaure un principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire », qui vise à contrer celui déjà existant de « non-régression environnementale ».
- Pas d'agroécologie, ni d'interdiction de pesticides "sans solution"
- L’objectif de 21% des surfaces agricoles en bio d’ici à 2030 a été rétabli, après avoir un temps été effacé du texte par la droite sénatoriale.
- Mise en place d'un réseau « France installations-transmissions », dont l'objectif est de faciliter le parcours d’installation, qui prendra la forme d’un guichet d’accueil au sein des chambres d’agriculture.
Les réactions sont nombreuses chez les ONG :
"Après plus de deux ans de travaux — marqués par des concertations, de multiples versions du projet de loi, une réorientation en réponse aux mobilisations agricoles, une dissolution et une censure gouvernementale -, la procédure a connu une accélération brutale ces dernières semaines pour viser un vote in extremis avant le Salon international de l’agriculture. Le résultat : une loi vidée de ses intentions initiales et dangereuse pour notre souveraineté alimentaire, notre santé et l’environnement. Le Collectif Nourrir appelle les députés et les sénateurs à rejeter ce texte." Extrait du communiqué de presse du Collectif Nourrir
Dans un communiqué de presse commun signé par France Nature Environnement, ASPAS, Fondation pour la Nature et l’Homme, Humanité & Biodiversité, LPO, OPIE, Société herpétologique de France, SNPN, SFEPM, WWF, dénonçant une politique agricole orientée contre l’environnement, ces organisations appellent "les parlementaires et le gouvernement à renoncer à ces mesures et à engager enfin une véritable transition agroécologique, respectueuse du vivant et des générations futures."
Depuis le début de l’examen de ce texte, la Confédération paysanne n’a cessé de dire qu’un texte prétendant assurer le renouvellement des générations et la souveraineté alimentaire ne peut être silencieux sur les trois leviers que sont le revenu, la transition agroécologique et l’accès au foncier. Les gouvernements et ses majorités successives s’y sont toujours refusés. [...] L’empressement à faire adopter cette loi avant l’ouverture du Salon de l’agriculture au prétexte de “calmer la colère du monde agricole” est un leurre », ajoute la Confédération dans son communiqué.
Sources :
- Décryptage "La loi d’orientation agricole définitivement adoptée, un condensé de reculs pour l’écologie" de Vert
- Article "Que contient le projet de loi d'orientation agricole, définitivement adopté deux jours avant l'ouverture du Salon de l'agriculture ?" de France info
- Article "Projet de loi agricole : les sénateurs renforcent l’orientation productiviste et gomment les références à la transition" du Monde
- Article "Les ONG environnementales dénoncent les « reculs » prévus par la loi d’orientation agricole" de Carenews