Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Sociale et Solidaire

L'ESS comme facteur de robustesse de l'économie régionale - La parole à Jérémie Godet, VP de la Région CVDL
Publié le 9 juillet 2025 - mis à jour le 16 juillet 2025

L'ESS comme facteur de robustesse de l'économie régionale - La parole à Jérémie Godet, VP de la Région CVDL

Jérémie Godet, 2e vice-président de la Région Centre-Val de Loire délégué au Climat, aux transformations écologiques et sociales des politiques publiques, à la transition énergétique, à l'économie sociale et solidaire et à la vie associative, revient pour nous sur l’élaboration de la Stratégie Régionale de l’ESS (SRESS) 2025-2030, et sur ses attentes vis-à-vis du RTES, qu’il intègre en tant que nouvel administrateur.

Vous êtes vice-président en charge de l’ESS à la Région Centre-Val de Loire depuis 2022. Comment avez-vous croisé l’économie sociale et solidaire ? 

Mon engagement pour l’ESS remonte bien avant mon mandat régional. Après un Master de développement et expertise de l'économie sociale à Sciences Po Grenoble, je me suis engagé dans l'éducation populaire en 2006, au sein du MRJC, Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne, une association qui œuvre pour l’animation et la valorisation des territoires ruraux, mouvement dont j’ai assuré la présidence en 2011. Ensuite, j'ai été directeur d'une structure d'insertion par l'activité économique, et j'ai commencé un engagement politique en parallèle, en tant qu'élu municipal à Argenton-sur-Creuse. Aujourd’hui, c'est mon premier mandat régional, en tant que conseiller régional en 2021, puis vice-président depuis 2022. 

Je résume mes délégations à travers le terme de redirection écologique et sociale. Je suis vice-président à la redirection avec au cœur de mes sujets les transformations écologiques et sociales des politiques publiques. C’est une délégation intéressante car elle est à la croisée des enjeux du climat, de l'énergie, de l'écologie, et de l'ESS.

La Région a adopté en mars 2025 la Stratégie Régionale de l’ESS 2025-2030, qui a fait l’objet d’une large concertation. Pouvez-nous nous présenter sa genèse et ses grandes orientations ?

Sur la genèse de la stratégie, 3 grandes étapes :

  1. Un COPIL représentatif de toutes les familles de l’ESS : Dès le départ, la Région a fait le choix d’intégrer au comité de pilotage qu’elle animait, les grands réseaux de l’ESS qui représentent toutes les familles de l'ESS : le Mouvement Associatif, l’URSCOP, la Mutualité Française Centre-Val de Loire, l’Union des Employeurs de l’Économie Sociale et solidaire (UDES) et évidemment la Chambre Régionale de l'ESS en tant qu’interlocuteur privilégié. Il y avait aussi France Active et le CESER, le Conseil économique, Social et Environnemental Régional.
  2. Un appui du CESER : La Région a également saisi le CESER sur le sujet. Habituellement, c’est plutôt la Région qui fait des propositions et le CESER qui réagit. Pour cette stratégie, nous nous sommes dit que c’était intéressant d’inverser le process habituel, pour que le CESER puisse apporter une parole et être plutôt dans la contribution que dans la réaction.
  3. Des rendez-vous thématiques et visites inspirantes au cœur des territoires, à la rencontre des acteurs ESS locaux : Nous avons organisé une série de 6 rendez-vous dans les 6 départements qui composent le territoire. Une première réunion était l’occasion d’avoir un temps d’ouverture générale avec le regard de Julie Chabaud (qui a notamment écrit La Traversée. Du temps des chenilles à celui des métamorphoses avec Patrick Viveret), suivi d’une prise de parole de tous les réseaux, de leurs souhaits et de leurs attentes concernant cette nouvelle stratégie, et enfin d’un bilan de la précédente stratégie. Des ateliers thématiques ont été organisés dans les territoires : une matinée pour traiter d’une problématique précise avec les acteurs locaux de l’ESS, et une après-midi pour faire des visites inspirantes en lien avec la problématique discutée. Ces rencontres nous ont permis de rassembler de nombreux acteurs du territoire, des interlocuteurs différents de ceux avec lesquels on a l’habitude d’échanger.

Pour cette nouvelle SRESS, nous voulions une stratégie qui montre ce que l’ESS peut proposer pour relever les grands défis sociétaux d’aujourd’hui. Nous nous sommes aussi attachés à définir la contribution de l'ESS dans la transformation écologique et sociale de l'économie, comme facteur de robustesse de l'économie régionale. Le tissu économique régional subit et va subir un certain nombre de chocs (climatiques, sociaux, géopolitiques, etc...). Pour maintenir demain des emplois et une vie socio-économique sur le territoire, ce tissu économique doit se transformer pour gagner en résilience, en agilité. L'ESS, dans ses pratiques et dans ses valeurs, possède tous les ingrédients pour répondre aux problématiques qui s'adressent à l'économie régionale aujourd'hui. 

Les 3 axes principaux de la stratégie régionale de l’ESS sont les suivants :

L’ESS participe à la transformation écologique et sociale de l'économie.

Comment permettre à l’ESS, au-delà de ses acteurs, de s’adresser à l’ensemble des acteurs économiques ? Comment les développeurs économiques qui sont en place en région, dans les intercommunalités, appréhendent l'ESS, ses statuts et ses pratiques ? Comment proposent-ils l'ESS lorsqu’ils rencontrent des créateurs d'activité ? Comment, dans l'agence de développement économique régionale, l'ESS devient une priorité, y compris quand elle s'adresse aux autres types d'économies, notamment à l'économie « capitalistique » ? Cela se traduit par exemple dans les conventions avec la CCI ou la CMA : etc. le statut coopératif doit être proposé au même titre que les autres statuts lors des rendez-vous de création ou de reprise d'entreprise.
Dans cet axe, il y a aussi le lien avec les territoires : nous avons besoin que l'ESS se renforce à l'échelle des territoires et pas simplement dans les fédérations régionales. C’est dans ce cadre que nous allons travailler avec les territoires sur les enjeux de développement économique et d'aménagement du territoire, compétences régionales. L’objectif est de les familiariser à l’ESS et de les inciter à écrire une feuille de route pour développer l'ESS dans leur territoire. Et puis, il y a aussi cette idée de clubs régionaux des collectivités engagées pour l’ESS qu'on a envie de lancer ici, en Centre-Val de Loire Au-delà de l’écriture de feuille de route ESS, nous souhaitons aussi renforcer la coopération entre l'échelon régional et les échelons intercommunaux, pour s'engager ensemble pour l’ESS et mobiliser les financements nécessaires à ce projet.

Faire grandir l'ESS en taille, en proportion et en diversité. Dans cet axe, on y retrouve :

  • Des mesures portant sur la sensibilisation, l'éducation à l’ESS chez les jeunes, notamment à partir de l'expérience des coopératives jeunesse de services (CJS), et tout ce qui peut être développé au sein de l'éducation nationale à travers l'ESPER,
  • Un volet formation et compétences de l’ESS. Sur ce volet, on a fait le choix d’axer nos actions en fonction des filières dans lesquelles l'ESS a beaucoup de poids, notamment le service à la personne, le soin et l'aide à domicile, un enjeu pour notre région rurale,
  • Des mesures portant sur le réemploi et la finance solidaire. La dernière stratégie avait permis l'émergence d'outils de finance solidaire assez intéressants : le dispositif « 1 € Citoyen = 1€ Région » sur les énergies renouvelables, et une plateforme de financement participatif Efferve’sens, où pour 1 € récolté génère 1€ abondé par la Région + 1€ abondé par des banques partenaires. Aujourd'hui, il nous faut aller plus loin, renforcer les outils qui ont été créés, développer les Cigales (peu nombreuses en région) et se mobiliser pour la création d'un comité des financeurs, pour rassembler État, Région, collectivités locales de la région, financeurs publics, et privés etc.

Le troisième axe porte sur l'innovation sociale, écologique et territoriale :

  • Créer et développer le maillage des Fabriques à initiatives (2 aujourd'hui en région, c’est donc assez nouveau ici),
  • Soutenir l’innovation sociale avec le dispositif « A vos ID ». On a ciblé plusieurs types d'innovations (sans être exhaustif pour se laisser la possibilité d'aller soutenir d'autres types d'innovations sociales) : la Sécurité Sociale de l'Alimentation, la création de fondations de territoires, et le revenu de transition écologique avec la création de coopératives de transition écologique en région. Des expérimentations autour de la SSA et des fondations territoriales sont déjà présentes sur le territoire, l’idée dans cette stratégie est d'affirmer notre soutien à ces innovations et de mettre en réseau ces acteurs. Et sur le revenu de transition écologique et les coopératives de transition écologique, le travail reste à mener avec les coopératives d'activité et d'emploi car il n’en existe par encore en région à ce jour.

Vous avez récemment rejoint le Conseil d’administration du RTES. Quelles sont vos attentes vis-à-vis du réseau ?

Intégrer un réseau comme le RTES, c’est une façon pour nous de nous mettre en lien avec d’autres collectivités, qui ont un temps d'avance et qui peuvent nous permettre de nourrir nos propres politiques. On attend aussi du réseau de la mise en lien à l'interne, entre la Région et les autres collectivités infra-régionales, avec l'idée de pouvoir embarquer d'autres collectivités de la région dans le réseau. Nous sommes très intéressés par la perspective d’un club régional des collectivités engagées pour l’ESS en Centre-Val de Loire. Intégrer le RTES, c'est aussi une façon pour nous de promouvoir ce qu'on fait pour l’ESS en région, comme par exemple avec les dispositifs « A vos ID » (évoqué plus haut) et CAP'Asso, une subvention qui varie de 6 000 € à 60 000 €, et un accompagnement proposé avec le Mouvement Associatif Centre-Val de Loire dans le cadre d’une Charte d’engagements réciproques Nous sommes fiers de ces deux dispositifs qui servent le développement de l'ESS sur le territoire et je suis persuadé que nous avons des choses à apporter aux autres collectivités adhérentes au RTES !