Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Développer un “réflexe ESS” dans les services de la collectivité - Entretien avec Martin David-Brochen
Publié le 13 mars 2020 - mis à jour le 15 mars 2024

Développer un “réflexe ESS” dans les services de la collectivité - Entretien avec Martin David-Brochen

Dans cette interview, Martin David-Brochen, Adjoint au maire de Lille, en charge de l’Emploi, l’IAE, l’ESS, les ressources humaines et relations sociales, élu au Conseil d'administration du RTES, revient pour nous sur les grands axes de la stratégie ESS de la Ville de Lille.

Je suis depuis 2020 adjoint au maire de Lille, en charge de l’économie sociale et solidaire, de l’insertion par l’activité économique, de l’Emploi et des ressources humaines. Je suis par ailleurs élu à la Métropole Européenne de Lille (MEL) En parallèle de mon mandat, je suis salarié d’une association d’action sociale.

Quels sont les principaux axes de développement de l'ESS dans votre politique ?

La stratégie d’accompagnement de l’ESS à la Ville de Lille est une stratégie pluriannuelle, dont les actions sont menées sur l’ensemble du mandat 2021 - 2026, autour de plusieurs axes. L’objectif principal est d’accompagner les initiatives et acteurs locaux de l’ESS qui participent à la transition écologique, sociale et économique du territoire. Pour cela, la stratégie s’appuie sur : 

  • Un appel à projets ESS permanent qui vise à soutenir les structures de l’ESS, en fonction du projet et du besoin. Ce soutien peut intervenir à plusieurs moments de vie du projet : cofinancement d’une étude de faisabilité ou de marché, aide à la consolidation de projet si les structures rencontrent des difficultés particulières, aide à l’amorçage de l’activité ou encore à l’accompagnement au changement d’échelle et au développement de l’activité. 
  • Sur les moyens alloués à la stratégie ESS, la Ville de Lille peut s’appuyer sur un budget global de 700 000 € sur la totalité du mandat.

Aussi, nous sommes très attentifs au développement de l'économie sociale et solidaire dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. En effet, ces quartiers sont des créateurs d’activités et d’emplois importants sur le territoire. C’est un sujet sur lequel nous sommes particulièrement attentifs, aussi bien avec les services ESS que les services de la politique de la ville. Le travail est mené en collaboration, avec un regard sur l’analyse des dossiers qui sont déposés par les structures dans le cadre de la politique de la ville et relevant de l’ESS. 

Une des spécificités de la ville est une politique historique forte en termes d’investissement et d’accompagnement des SCIC sur le territoire, que ce soit en entrant au capital de la SCIC ou en soutien financier (aide au démarrage et en fonctionnement). On accompagne les SCIC dont l’activité est en lien avec les compétences de la municipalité (sur la petite enfance par exemple), mais aussi sur des SCIC qui participent à l’intérêt général et au bien et mieux vivre des habitant.e.s (café et bar de quartier, autopartage, restaurant etc.). La Ville de Lille est sociétaire de 5 SCIC : deux crèches, un café, un bar-restaurant, une SCIC d’autopartage. Mon rôle et celui de la délégation ESS n’est pas de représenter la Ville et ses intérêts dans leur gouvernance mais bien d’avoir un rôle d’animation des élu.e.s qui sont dans les SCIC : organisation une à deux fois par an des temps d'échanges et de formation à destination des élu.e.s et des services thématiques sur l'actualité générale des SCIC et permettant de faire le point sur le projet. Nous avons d’ailleurs bénéficié d’un appui du RTES sur cette thématique. Benjamin Guéraud-Pinet, juriste au RTES, était intervenu pour nous apporter un outillage sur les actualités juridiques et législatives des SCIC et permettre le partage d’expérience avec d’autres collectivités sur ces sujets.

Comment cette stratégie ESS est-elle co-construite avec les acteurs du territoire ?

Comme je le disais précédemment, notre politique ESS est forte de nombreuses années d’histoire. Dès son origine, elle a été co-construite avec les acteurs et collectivités du territoire. En 2020, une évaluation de la stratégie précédente a été partagée avec les acteurs ESS du territoire pour préparer et co-construire les axes de la nouvelle stratégie ESS 2021 - 2026. Aujourd’hui, un comité de pilotage est organisé chaque année avec les acteurs du territoire, les têtes de réseaux mais aussi avec d’autres collectivités comme la MEL ou encore la Région Hauts-de-France. Ce comité permet à chacun de dire où il en est dans sa feuille de route, de faire un point d’étape, ce qui permet aux acteurs d’avoir un regard sur ce qu’on fait et d’avoir un temps d'échange à 360.

Comment l’ESS s'inscrit-elle en transversalité avec les autres politiques menées par la Ville de Lille ?

C’est toujours un combat de notre côté d’inscrire l’ESS en transversalité dans toutes les politiques menées par la Ville. Dans le cadre de notre stratégie ESS, l’objectif est de développer un “réflexe ESS” dans les services de la collectivité, par exemple sur la politique de la ville comme expliqué précédemment ou sur les achats publics, avec un partage de connaissance entre les acheteurs publics de la Ville et les acteurs de l’ESS du territoire qui peuvent répondre aux marchés.

Enfin,les comités de pilotage évoqués ci-dessus permettent également d’échanger avec les collègues d’autres services sur les actualités et projets ESS du territoire. La stratégie ESS 2021 - 2026 a d’ailleurs été présentée dans de nombreux conseils et instances de démocratie participative de quartier, ce  qui permet une transversalité ancrée sur les territoires.

Comment travaillez-vous en collaboration avec les autres niveaux de collectivités pour soutenir l'ESS ?

Sur le territoire régional, on discute et on croise toujours nos informations sur les appels à projets et stratégie ESS. Nous avons des liens très forts et très intégrés avec la stratégie métropolitaine de l’ESS. Nos dossiers de subvention sont communs : un acteur de l’ESS ne remplit qu’un seul dossier pour prétendre aux subventions municipales et métropolitaines. De plus, la Ville fait partie du comité de sélection technique et politique des projets à l’échelon métropolitain, ce qui nous permet une étude commune des dossiers. 

En tant qu'élu au CA du RTES, quelles sont vos attentes vis-à-vis du réseau ?

Je lis toujours avec grand intérêt les travaux de fond et de long terme menés par le RTES, qui mêlent à la fois des aspects théoriques, cas pratiques et retours d’expériences de ce qui se passe sur d’autres territoires. C’est toujours très enrichissant. Je pense notamment à vos travaux sur les filières menés récemment. J’attends surtout du RTES de l’outillage et de la réflexion sur des sujets de fond, transverses et du partage d’expériences. 

Ponctuellement et comme on l’a fait sur les SCIC, je sais que je peux compter sur le RTES pour un accompagnement plus technique ou sur de l’animation. 

Le RTES permet également de porter la voix des collectivités, des intérêts des territoires et de leurs propositions sur le volet national des politiques publiques de l’ESS. Ce plaidoyer permet de rappeler la place importante des collectivités dans l’animation et le développement de l’ESS dans les territoires.