Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Le rôle des collectivités territoriales dans l’accès au foncier - webinaire ESS & ruralités

mar 23/06/2020 - 11:36

  

Inscrit dans le cadre du projet TRESSONS, ce webinaire a réuni plus de 130 participants et portait sur les différents leviers et montages techniques sur lesquels peuvent s'appuyer les collectivités pour l'accès au foncier des structures de l'ESS en zones rurales en matière de terres agricoles, de lieux d'activité et d'habitat. 

 

 

Habitats des Possibles est une initiative de citoyens issus de 3 domaines d'intervention différents : le travail social, le soin, le BTP. L’association est fondée en 2016 pour contribuer à la préservation et au développement du lien social, à la lutte contre les exclusions et inégalités sur les territoires ruraux à travers l’émergence d’habitats partagés pour les personnes âgées, comme alternative à la maison de retraite. Habitats des possibles accompagne les collectivités et les groupes d’habitants dans la réalisation de ces projets. 

Habitat des possibles intervient sur la phase étude pour évaluer l’adéquation du foncier, l’estimation budgétaire et l’approbation locale ; sur l’élaboration d’un projet d’habitat partagé entre retraités (accompagnement financier, juridique, etc.) et sur l’évaluation des besoins architecturaux : exigences en terme de mobilité et d’accessibilité. 

Les différentes modalités de soutien foncier des collectivités locales à l’habitat partagé :

  • Réserver des espaces dans le PLU/I et constituer une réserve foncière aux structures ESS
  • Faciliter sans supporter l’ingénierie et l’endettement (cas de Castillon la Bataille) : acquisition foncière par la commune + bail à réhabilitation/construction pour le bailleur social en maître d’Ouvrage. Habitats des possibles est partenaire, assistant à maîtrise d’usage et gestionnaire.
  • Investir = la commune reste en maîtrise foncière (cas de Lestiac sur Garonne) : la commune reste propriétaire du bien, porte l’opération au plan financier et constructif (Maîtrise d’Ouvrage). Habitats des possibles est assistant à maîtrise d’ouvrage puis porte la gestion.
  • Céder à la structure ESS en direct (SCIC, Foncière, etc) : cession du foncier ou apport dans une SCIC. La structure ESS porte l’opération en maitrise d’ouvrage et maitrise le projet de A à Z.

Jacques Breillat, maire de Castillon la Bataille. Castillon est une commune de 3200 habitants, de monoactivité viticole, en situation de déprise et de vieillissement du foncier bâti avec peu de terrain disponible à bâtir. Face aux constats d’une importante présence de personnes âgées avec un habitat vertical pas adapté au vieillissement et en parallèle une vacance commerciale qui oblige à reconquérir du foncier disponible, la commune à revu sa vision foncière.  

Le projet porté avec Habitats des Possibles : projet d’habitat partagé et accompagné pour retraités en centre-ville, s'insère donc dans une logique globale de revitalisation de centre-bourg d’un petit pôle de centralité rural. Tout cela a débuté par une réunion pour voir si des personnes étaient intéressées et face à l'appétence, un travail commun a été mené. Le projet appartient aux habitants, la ville créé les conditions possibles de mise en oeuvre de ce projet qui n’est pas le seul projet ESS sur le foncier : reconquête de foncier avec des mutuelles et des associations, réflexion conduite avec le CR Nouvelle-Aquitaine sur les transitions autour d’un PAT, projet avec des sociétés coopératives d’habitat, etc. L’ensemble de ces projets concourent à une logique structurante pour remettre sur le coeur de ville un certain nombre d’équilibres sociaux. Au regard de l'ingénierie de la commune, le projet n’aurait pas été possible sans Habitats des Possibles. C’est un projet très fédérateur avec une forte dimension collaborative. 

 

Daniel Mathieu est arrivé en 1978  à Ventalon-en-Cévennes, au coeur du Parc national des Cévennes, sur un territoire à l'abandon de 680 hectares et 25 habitants. Elu maire de Ventalon en Cévennes en 1995, Daniel Mathieu fera 2 mandats de maire et 1 mandat de président de la Communauté de communes des Cévennes au Mont Lozère. Sur ce territoire : une ruine, l’auberge de l’Espinas à l’abandon depuis 1940 et 1 propriété attenante de 15 hectares. Plusieurs projets ont été émis autour de cette propriété. En 1995, la commune réalise avec l’aide de la Caisse des Dépôts et Consignation (dans le cadre de Territoire d’avenir), un diagnostic de territoire avec le canton : atouts, contraintes et enjeux. De là naît la volonté de faire émerger des projets, la commune acquiert un hameau (dont l’auberge de l’Espinas) qui appartenait à un privé avec l’aide de la SAFER. S’en suit un long parcours entre l’acquisition du foncier et la mise en place des projets. Un premier projet porté par des jeunes autour du bois (exploitation et valorisation) durera 5 ans, mais non viable il évoluera autour d’un projet de restauration, géré aujourd’hui et depuis 5 ans par une SCIC. La commune a signé un bail emphytéotique de 50 ans avec la SCIC sur un loyer très modeste mais à charge pour la SCIC de prendre en charge l’investissement. 

Sur le site, s’est également formé une association, Epi de Mains, qui gère toute l’animation du lieu ; l’école de la Pierre Sèche, qui a rénové une partie des bâtiments soutenue par la communauté de communes ; un lieu ressources autour de la châtaigne également créé par Epi de Mains (une châtaigneraie, un sentier d’interprétation de châtaignes, etc.) et un verger.

Les défis à relever ont évolué : les Cévennes représentent maintenant un attrait important sur le plan touristique et avec de nombreux jeunes (sans beaucoup de moyens financier) qui veulent s’y installer. Donc trouver du foncier à des prix abordables est beaucoup plus difficile aujourd’hui, même si c'est toujours possible, la commune prévoit ainsi l’acquisition d’une propriété forestière d’une centaine d’hectares sur laquelle elle veut faire émerger un projet autour du bois et de l’agroforesterie. La complexité est bien d’accéder au foncier, car pour la rénovation, il y a toujours des financements possibles sur ce type de projets (Leader, etc.).

 

  • Damien Roumet, coordinateur de réseau Terre de liens, Alice Normand, animatrice territoriale Terre de liens Hauts-de-France et Denis Michalak, maire de Lewarde

Terre de liens existe depuis 2003 et travaille sur la préservation du foncier agricole et l’accompagnement à l’installation et au développement de l’agriculture biologique. Terre de liens est composé d'une foncière, d'une fondation et d'un réseau d'associations territoriales.

Les grands domaines d’action que peuvent développer les collectivités :

  • préserver les terres agricoles (réglementer l’usage des sols via les PLU et SCOT, protéger les terres agricoles, s’appuyer sur la compensation foncière et les outils fiscaux).
  • mobiliser du foncier agricole (repérer le foncier (observatoires citoyens des terres agricoles), mobiliser les divers droits de préemption, mise en réserve de foncier notamment avec les SAFER, reconquête des terres en friche, favoriser la transmission des fermes, etc.)
  • mettre en valeur le foncier (mise à disposition de foncier public, coacquisition avec Terre de liens, garantie d’un usage respectueux des terres par mise à Bail Rural Environnemental, participer à la création d'espaces test, favoriser l’accès au logement des agriculteurs)

Les différents montages possibles pour acquérir des terres avec Terre de liens, sachant qu’il y a de nombreuses possibilités : la subvention d’investissement à la fondation Terre de liens pour l’acquisition d’un lieu ciblé ; la foncière Terre de liens achète un bien agricole et confie la gestion du bâti et sa rénovation à la commune via un bail emphytéotique ; une commune attribue une subvention d’investissement à la fondation Terre de liens et la foncière Terre de liens participe à l’acquisition, permettant de mobiliser de l’épargne citoyenne (cf. diaporama). 

Damien Roumet précise qu’un projet ne se résume pas à l'acquisition foncière mais qu’il s’agit aussi d’une animation territoriale au long cours pour pouvoir trouver un agriculteur, des débouchés... Il est donc important pour une collectivité locale de pouvoir déclencher une subvention d’investissement mais aussi une subvention de fonctionnement pour cette animation territoriale. 

Alice Normand : Terre de Liens Hauts de France a mené un projet avec la commune de Lewarde et la communauté de communes Coeur d’Ostrevent. En 2017 un groupe de bénévoles de Terre de Liens organisent une veille foncière citoyenne et interpellent les élus du territoire sur l’enjeu du foncier agricole, les bénévoles rencontrent un projet politique qui coïncide : la volonté de développer l’alimentation bio et locale dans la restauration collective et de préserver les terres agricoles. Le dialogue Terre de liens/élu.e.s a permis l’identification d’une parcelle de la communauté de communes destinée à un projet d’aménagement et sa réorientation vers une vocation agricole avec une installation maraîchère biologique. 

Terre de liens a apporté un appui technique sur le pilotage du projet et l’installation d’un maraîcher, cet accompagnement s’est structuré en plusieurs étapes :

  • Caractériser la parcelle, est-ce vraiment une opportunité ? Se sont appuyé sur leur outil de caractérisation d’opportunité foncière et sur un partenariat avec Bio Hauts de France pour identifier les atouts et contraintes de la parcelle.
  • Accompagner la commune pour cadrer le projet et rédiger l’appel à projets : être dans l’esprit d’une coopération avec 1 porteur de projet agricole. Si la collectivité a une idée très précise, privilégier la régie agricole. 
  • Sélectionner le porteur de projet : visites, mise en réseaux et auditions.
  • Mise en place du bail et d’outils nécessaires pour la viabilisation de la parcelle (ici récupérateur d’eaux de pluie).

Ce projet a une plus-value sur une diversité d’enjeux : commercialisation en circuit-court, fourniture de la restauration collective, accueil pédagogique et aussi enjeu eau potable (ingénierie cofinancée par l’Agence de l’Eau Artois Picardie). Les choses se sont enclenchées quand les services et les élu.e.s ont pu se rassembler en transversalité : ESS, environnement, développement économique, cela a été déterminant.

Denis Michalak, maire de Lewarde : le projet démarre en 2017 avec la révision du PLU et la volonté de développer des exploitations agricoles bio. Aujourd’hui le porteur de projet est installé et le retour des habitants de Lewarde est très positif. S’agissant d’une zone où la pression des zones commerciales est très forte, cette proposition a été une aubaine pour le maraîcher. La Communauté de communes prend en charge la viabilisation de la parcelle mais aussi une serre. La commune travaille sur les débouchées de la production : la cantine scolaire (150 repas par jour), des points de vente directe, etc. Ce projet n’est qu’un point de départ, les élus ont une vraie volonté de développer la production locale et des liens de vie qui se sont perdus : projet de créer un magasin de producteurs et un marché local par exemples. 

 

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